Saturday, January 21, 2012

Plus d'une langue

Dans la liste des Projets TransferS - janvier 2012  du Labex retenus au titre de l'année universitaire en cours, figure celui de  Barbara CASSIN, Directrice de recherches au CNRS, intitulé Plus d'une langue.




PRESENTATION
L’un des problèmes les plus urgents que pose l’Europe est celui des langues. On peut choisir une langue dominante, dans laquelle se feront désormais les échanges ; ou bien jouer le maintien de la pluralité, en rendant manifeste le sens et l’intérêt des différences. Le Vocabulaire s’est inscrit résolument dans la seconde optique.
C’est un geste philosophique et un geste politique. Philosophique d’abord. Il constitue une cartographie des différences philosophiques européennes, en capitalisant le savoir des traducteurs. Il explore le lien entre fait de langue et fait de pensée, et prend appui sur ces symptômes que sont les difficultés de passer d’une langue à l’autre ­­– avec mind, entend-on la même chose qu’avec Geist ou qu’avec esprit ? Pravda, est-ce justice ou vérité ? Que se passe-t-il quand on rendmimesis par imitation ? Chaque entrée part ainsi d’un nœud d’intraductibilité, et procède à la comparaison de réseaux terminologiques, dont la distorsion fait l’histoire et la géographie des langues et des cultures. Politique ensuite. De quelle Europe linguistico-philosophique voulons-nous ? Réponse : il y en a deux dont nous ne voulons pas : ni tout-à-l’anglais, ni nationalisme ontologique. Le premier scénario-catastrophe ne laisse subsister qu’une seule langue, sans auteur et sans œuvre : le globish, « global english », et des dialectes. L’autre scénario-catastrophe est lié à l’encombrant problème du « génie » des langues. Il y aurait des langues « meilleures » que d’autres, car mieux en prise sur l’être et le dire de l’être, et il faudrait prendre soin de ces langues supérieures – le grec et l’allemand, plus grec que le grec, dirait Heidegger – comme on prend soin de races supérieures. Le cap à tenir entre ces deux écueils se laisse dire d’un terme deleuzien : « déterritorialiser ». Humboldt remarque ainsi, dans son « Fragment de monographie sur les Basques », que : « La diversité des langues est condition immédiate d’une croissance pour nous de la richesse du monde et de la diversité de ce que nous connaissons en lui ; par là s’élargit en même temps pour nous l’aire de l’existence humaine, et de nouvelles manières de penser et de sentir s’offrent à nous sous des traits déterminés et réels ».
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